Cet article est paru dans le Namdalsavisa – journal local à Namsos – le 30 avril 2004.
L'article est écrit de la main de Martin Haagensen, photographe à Namsos, comme un résultat de son séjour à Chambéry en 2003. Pendant les quelques jours en France, il a fait des interviews vidéo avec des Anciens de Namsos, parmi eux Robert Poyet, l'Ancien qui a fait sauter le pont de Bangsund en avril 1940.
Rolf dit:
Je viens de parler à Louis Pétraz. Il m'a demandé si tu as envie de faire une interview avec l'ancien qui a fait sauter le pont de Bangsund.
J'ai répondu, une telle interview vaut le voyage.
Trois semaines plus tard Monsieur Rolf Mokkelbost et moi sommes arrivés à la gare de Chambéry. Là, on était accueilli par un homme au béret et au profil français si caractéristiques qu'un dessinateur sans doute le pouvait décrire avec pas plus de quatre lignes.
Notre ami est Louis Pétraz, sous-préfêt en retraite, un homme qui, pendant sa carrière active, avait grande autorité et chauffeur particulier.
A la maison Pétraz, nous avons rencontré plusieurs Anciens, tous avec un passé vif, très lié à Namsos. Tous entre 85 et 90 ans. Nous sommes ici pour faire des interviews vidéo avec ces Anciens concernant ce qu'ils ont vécu pendant les jours boulversants d'avril 1940 à Namsos.
L'un d'entre eux est Robert Poyet. Pas trop grand, à voix aimable, figure belle. Je l'ai envisagé comme gentilhomme avec son arrière petit-enfant sur les genoux.
Il m' a dit que sa carrière militaire a commencé en Algérie où sa spécialité était les explosifs. Pourtant, il est revenu en France, faisant des opérations à la frontière suisse au début de la 2ème guerre mondiale. Par son commandement, il a appris que les Russes ont attaqué la Finlande, et que les conditions étaient insupportables pour le habitants.
Quand il a demandé d'être volontaire pour une situation pareille en Norvège, il donné son « oui » volontaire.
Avec d'autres chambériens, il est parti dans des cargos transformés. C'est-à-dire : pas tous.
Il y avait ceux qui restaient sur les quais, dans les bars...
Ils n'oublient jamais la nuit du 18 avril. Les nuages étaient bas, il faisait froid et il y avait beaucoup de neige quand ils ont débarqué à Namsos. Une belle petite ville hivernale vers le nord, des belles maisons, et une église qui était le plus haut bâtiment de tous. Dans le port un activité intense. Toute activité s'est passée à la faveur de la nuit. Ainsi on ne permettait pas aux avions allemands de voir le débarquement des troupes alliées.
Avant le lever du jour les navires ont quitté la ville, et les rues étaient vidées d'équipement militaire, rien à voir – en théorie. Car le même jour, plusieurs journaux étrangers ont décrit le débarquement des troupes alliées à Namsos.
En plus les Français n'ont pas caché leur activité de la même manière méthodique que les Anglais, arrivés quelques jours avant. Pourtant on a fait débarquer un peu de matériel, même si les navires sont partis avec des munitions qu'il fallait décharger plus tard.
Alors il fallait trouver un endroit où passer la nuit. Les habitants étaient évacués, 3500 soldats sont arrivés dans les derniers jours, alors il n'y avait pas de chambre d'hôtel.
Mais on a eu de la chance, a dit Robert Poyet. On nous a envoyés aux locaux d'une usine pas loin du port, où on produisait des étoffes.
De grands rouleaux d'étoffe de laine servaient bien pour tenir le froid de la nuit hivernale à l'écart.Ils étaient à l'Usine de Laine de Namdalen. Pourtant la joie était brève. A 4 h le matin les premiers avions allemands ont survolé la ville. Il fallait quitter l'usine et se réfugier dans la forêt en haut de Vika.
Ils pataugèrent dans un mètre de neige et se sont cachés sous les sapins de Larsheimen. De là ils ont jeté des regards d'envie vers l'usine juste à côté où se trouvaient les étoffes de laine chaudes et molles. La langue a limité le contact, mais ils ont rencontré deux hommes en civil qui parlaient le français. Sur un bout de papier, ils ont écrit en norvégien : Bonjour, nous sommes français.
Pouvez-vous nous loger et nous nourrir, svp?
Le lendemain, ils ont continué jusqu'à une ferme où ils ont eu un accueil chaleureux. C'était à Havika, la ferme de M. Odd Havik. Ils dormaient dans une grange la plus en ordre qu'ils ont jamais vu. Olav Havik – à l'époque un gamin – se souvient toujours des Français qui logeaient chez eux. Il y avait une grande activité à la ferme. Comme tous les fermiers ils ont participé à sauver leurs marchandises communes en les transportant à cheval et par main à la campagne. En outre des 40 soldats de la troupe de Poyet, il y avait aussi d'autres Français. Un officier était blessé pendant le bombardement, et il restait tout le temps au lit.
Un soldat français, Pierre Egtin parlait un peu de norvégien, alors, d'une manière c'était possible de communiquer. Sur la ferme se trouvaient aussi d'autres évacués de Namsos en plus de ceux qui y travaillaient. L'école des Lapons, juste à côté, a renvoyé les élèves, et des soldats anglais y habitaient.
Les Français restaient à Havika jusqu'au jour où un capitaine a donné l'ordre à Poyet et se hommes d'aller à Bangsund. La mission était de faire sauter les ponts.
Ils ont eu un camion Peugeot, quelques motos et se sont mis sur la route à Bangsund. En passant Namsos, ils ont vu que la belle ville était en ruines, et qu'il fumait toujours dans les ruines de l'église.
Enfin arrivés à Bangsund. Mais ce qu'il fallait pour compléter la mission – foret, compresseur, dynamite – était dans le bateau qu'on a pas eu le temps de décharger la première nuit. Alors ils étaient là – mission faire sauter les ponts – sans rien pour l'achever.
Encore une fois ils étaient sauvés par hasard. Un Norvégien sympathique – un Norvégien officiel – selon M Poyet, probablement directeur de la scierie de Bangsund, les a emmené à la scierie. Dans une baraque ils ont trouvé ce qu'il fallait. Ils ont chargé le matériel sur le camion – inclus 350 kg de dynamite. Ils ont percé le pont partout, mis de la dynamite et couvert les trous avec de la glaise mouillée.
Tous les hommes ont beaucoup travaillé pour achever la mission sitôt que possible. Enfin ils ont enfoui 25 kg de dynamite au nord du pont traversant la route. Quand le travail était fini, un capitaine des troupe à Namsos est arrivé. Il a dit à Poyet d'attendre le dynamitage jusqu'au moment où vient l'ordre du commandant des forces alliées du secteur, le général Carton de Wiart. Pendant plusieurs jours ils sont là, près d'un pont plein de dynamite attendant l'ordre.
A Bangsund, comme ailleurs, les habitants étaient évacués, et les soldats ont trouvé un abri dans une maison près du pont. Pami ceux qui toujours habitent Bangsund, il y en a plusieurs qui – à l'époque – étaient policiers et montaient la garde. Ils ont compris ce qui allait ce passer, même si les Français n'ont rien dit.
Un de ces hommes était Arnljot Aagesen. Avec son copain Arne Kvam et d'autres hommes, ils ont fait la garde pour voir si tout se passe bien, et que des personnes non désirées n'entrent pas dans les maisons vides. Son père, Konrad Aagesen, maire de Bangsund, avait son laissez-passer pour pouvoir circuler librement. Au même temps des soldats anglais arrivent avec un prisonnier allemand.
Et le voilà, le Général Carton de Wiart. En gentleman anglais, il serre la main de tous les hommes, même si les relations entre les Anglais et les Français n'étaient pas les meilleurs. Il complimente le travail fait par Poyet et ses hommes, et donne l'ordre à faire sauter le pont.
Il me faut la confirmation écrite, dit Poyet, et de Wiart lui donne un papier, écrit à la main, avec l'ordre d'effectuer la mission.
Oui, Sir, il dit, mais je vous prie de vous éloigner. Après tout il y a 350 kg de dynamite dans le pont, alors il y aura un peu de bruit.
Avec son copain Bouvise il a allumé la mèche. Quand ils se sont assurés qu'elle brûlait, ils ont couru environ 200 m pour se cacher derrière un mur, et voilà l'explosion!
Le directeur de la scierie écrit dans son journal le 2 mai 1940 : les Anglais ont fait sauter le pont. Si la nationalité des soldats était incorrecte, on ne se trompait pas du bruit! Ceux qui se trouvaient dans le voisinage ont cru qu'un bombardement a commencé.
Ils se sont jetés par terre, mais ont vite compris d'où venait le bruit. Arne Kvam écrit dans son livre « Histoires de Bangsund » : nous étions dans la grange de la ferme Hoilo, et, en étant dans l'embrasure de la porte, j'ai vu un coup de foudre de la direction du pont et une vague de pression si forte que j'ai senti mon manteau serrer contre le corps. Nous avons tout de suite compris que le pont avait sauté. Poyet dit qu'il n'avait jamais entendu un tel bruit. Une flamme est montée jusqu'à 150 m. Puis des tonnes de pierres d'une telle quantité qu'il craignait la destruction totale de Bangsund. La mission était terminée.
Robert Poyet et ses amis sont retournés à Namsos. A HØknes, ils ont rencontré un Français à cheval. Il a essayé de faire sauter le pont de chemin de fer mais il n'a pas réussi, et il a accompagné les autres en ville.
Sur le quai il y avait beaucoup de matériel, aussi la dynamite dont ils avaient eu besoin. Alors ils l'ont employée à détruire les voitures pour qu'elles ne soient plus utiles pour les Allemands. Le matériel pas détruit sur place, a été tiré dessus par le dernier navire qui a quitté la ville le 3 mai. Pourtant il y avait beaucoup de ravitaillement en ville, des conserves, de l'alcool laissé par les Alliés. Le lendemain les habitants de Namsos ont trouvé beaucoup de choses plus ou moins utiles – quand même bonnes pour des habitants sans maisons.
Le 4 mai le directeur de la scierie de Bangsund écrit dans son journal : les Allemands arrivent. Ils avaient des prisonniers de guerre qu'ils ont mis à remettre le pont en état. Même s'ils ont traversé la rivière avec quelques difficultés, ce n'était pas facile. Beaucoup de pierre étaient dans l'eau, créant un courant fort. La construction d'un pont flottant était difficile. Pourtant le 18 mai le directeur note dans son journal : pont terminé avec ferry. Le 27 mai il note : pont ponton terminé.
En quittant la ville de Namsos Robert Poyet et ses camarades se sont fait des soucis.
La petite ville charmante n'était qu'un tas de ruines et de cendres. Plusieurs de leurs camarades y ont trouvé la mort, ainsi que des habitants de la ville. Ils sont arrivés pour arrêter les Allemands – maintenant ils étaient en route pour l'Ecosse à pleine machine. Et les Allemands n'étaient qu'à un jour de Namsos.
Voilà les souvenirs des Anciens qui se retrouvent dans l'appartement de Louis Pétraz.
l'article du journal est ici